jeudi 7 juillet 2016

Les poussins du début juillet




Les premiers jours de juillet offrent les meilleures chances pour observer les poussins des galliformes qui habitent les forêts québécoises. Des espèces de la famille des tétraonidés, il n'en existe pas des tonnes au Québec. En fait, il y en a trois.  Les travaux réalisés dans le cadre des deux Atlas des oiseaux nicheurs du Québec de 1984 à 1989 et de 2010 à 2015, ont permis de mieux délimiter les aires de distribution de chacune des espèces. J'ai eu la chance de participer à ces deux Atlas et c'est le dernier qui m'a amené en forêt boréale sur la Côte Nord, en Abitibi et au Lac Saint-Jean. Ceci m'a permis de côtoyer les trois espèces.


L'espèce la plus commune et la plus répandue est la Gélinotte huppée / Bonasa umbellus togata / Ruffed Grouse. Elle habite principalement les peuplements feuillus et mixtes. L'hiver, elle s'abrite dans les conifères pour se protéger des intempéries. Sédentaire et plutôt solitaire, la gélinotte passe toute sa vie dans un domaine habituellement inférieur à 100 hectares. Ainsi, la présence d'un individu dans un lieu donné indique qu'il y niche probablement. Sauf en hiver, elle se tient généralement au sol et s'envole surtout pour fuir et se percher dans les arbres. Son vol est bref et rapide.



Gélinotte huppée se nourrissant de bourgeons. Photo réalisée le 14 février 2016 sur le rang Petrée, Lévis, Québec.




Le deuxième rang en terme d'abondance revient au Tétras du Canada / Falcipennis canadensis canadensis / Spruce Grouse. On le retrouve dans les forêts de conifères et dans les tourbières. Associé à la forêt boréale, les habitats fréquentés varient selon les saisons. Au Québec, il préfère les peuplements forestiers dominés par l'Épinette noire et le Sapin baumier. En période de pré-reproduction, il choisira un habitat un peu moins dense où il pourra accomplir les rituels liés à la formation des couples. Il optera ensuite pour un habitat plus dense où la femelle pourra nicher et élever sa couvée en toute sécurité, et où le mâle sera protégé des prédateurs lors de la mue.




Cette femelle de Tétras du Canada se nourrit au sol parmi la mousse, les lichens et la végétation basse, éléments propres à la forêt boréale. Photo réalisée 03 juillet 2016 le long du chemin de la Pinède, Parc des Grands Jardins, Québec.


Et voici maintenant le troisième et le plus rare des représentants, le Tétras à queue fine / Tympanuchus phasianellus phasianellus / Sharp-tailed Grouse. Il fréquente les tourbières dégagées, les brûlés et les coupes forestières en régénération, parfois aussi les champs abandonnés du nord et de l'ouest du Québec méridional. Il est le seul de nos gallinacés à constituer des arènes (leks) lors de l'accouplement. Les mâles se regroupent sur des terrains, utilisés dans certains cas depuis des générations, où ils exécutent des danses destinées à gagner la faveur des femelles. Cet oiseau est considéré encore aujourd'hui comme un nicheur résident rare dans le nord du Québec méridional, comme le signalait Normand David dès 1980.



Femelle de Tétras à queue fine photographiée le 6 juillet 2012 près de Matagami, en Jamésie, dans la région administrative du Nord-du-Québec.


L'espoir de rencontrer une petite famille de Tétras du Canada, nous amène, Anne et moi, à nous rendre dans le Parc des Grands Jardins où la forêt boréale règne en maîtresse absolue. Nous sommes le 3 juillet, donc en pleine période où les femelles sont accompagnées de leurs poussins nouvellement nés. Pour ce faire, il s'agit tout simplement de se promener très lentement en empruntant les chemins forestiers. Les femelles aiment amener les poussins le long des chemins où la nourriture est plus variée qu'en pleine forêt. Dans un délai de deux heures, nous rencontrons deux petites familles de tétras. Les deux sont composées d'une femelle et de deux poussins. Les nichées comptent généralement de six à huit poussins, mais il arrive que le nombre atteigne la dizaine. La prédation sur les poussins est très grande et il est normal que seulement un faible pourcentage de la nichée survive à cette première étape de leur vie.



Poussin de Tétras du Canada.  Réalisé le 03 juillet 2016 dans le sentier de la Pinède, Château Beaumont, Parc des Grands Jardins, Québec.




Les poussins sont d'une grande beauté et nous pouvons les approcher à condition bien sûr d'y aller avec patience et respect. Alors que les poussins pépient sans arrêt, la femelle glousse faiblement afin de leur faire connaître où elle se trouve. Elle ne se tient jamais très loin et elle se montre assez ostensiblement afin d'attirer notre attention plus sur elle que sur les petits. Si nous restons vraiment immobile, elle peut même continuer à se nourrir comme si nous n'y étions plus. Ceci m'a amené à réussir ce portrait de la femelle.



Portrait d'une femelle de Tétras du Canada réalisé le 03 juillet 2016 dans le sentier de la Pinède, Château Beaumont, Parc des Grands Jardins, Québec.



Ce poussin de Tétras du Canada est juste assez âgé (environ une semaine) pour s'envoler à  partir du sol afin d'atteindre les branches basses d'un conifère. D'instinct, il sait qu'il doit rester immobile pour échapper à l'attention d'un prédateur potentiel. Quoi demander de mieux pour un photographe ?  Réalisé le 11 juillet 2012 en Abitibi, Québec.


Voici maintenant un poussin de Gélinotte huppée rencontré le 06 juillet 2012 en Abitibi.



Même en très bas âge, une petite crête de plumes orne le front du poussin de la gélinotte.


Il est plus difficile d'approcher un poussin de gélinotte, car la mère les force à rejoindre la végétation aussitôt qu'elle note la présence d'un prédateur potentiel. Ensuite, elle vient vers nous pour nous attirer le plus loin possible de l'endroit où se trouve sa progéniture.


Il en est de même pour le Tétras à queue fine. En fait, je n'ai la chance d'une rencontre avec une petite famille qu'une seule fois. La femelle accompagne six à huit poussins. Ça se passe le 06 juillet 2012, à Matagami, et je suis accompagné du biologiste François Gagnon. Ça se fait très vite. D'abord, nous apercevons la femelle en bordure du chemin. Nous ne réalisons pas qu'elle puisse accompagner des poussins. Dès qu'elle nous aperçoit, elle entrouvre les ailes et se met à courir dans notre direction. Je crois qu'elle agit alors comme une femelle de gélinotte. Mais voilà qu'à mi-distance entre nous et elle, trois ou quatre petits oiseaux s'envolent sur une courte distance. Elle change alors de direction et fait s'envoler environ le même nombre d'oiseaux. Nous comprenons alors qu'elle vient de chasser ses poussins du site. Je n'ai donc pas eu la chance d'observer un poussin de ce rare tétras.






Si vous désirez observer de visu des beaux poussins de gallinacés forestiers, je vous invite à ne pas trop tarder à partir à leur recherche. Dans quelques semaines, la période magique sera passée. Si vous vous décidez à y aller, je vous exhorte à le faire de façon très respectueuse.


@ bientôt.





2 commentaires:

www.dianeclermont.ca a dit…

Très beau billet et de bien précieux renseignements sur l'habitat où se trouve les oiseaux. Le parc des Grands Jardins est effectivement un endroit superbe pour les voir. J'ai déjà eu une gélinotte huppée sur le haut de ma tente alors qu'elle laissait ses petits entrer dans la vegétation.
C'est toujours un plaisir de lire tes billets, il y a beaucoup d'information sur l'attitude et l'habitat des oiseaux. Tes photos sont superbes !! Merci de partager !

lejardindelucie a dit…

Je suis sous le charme de ces magnifiques oiseaux que tu as la gentillesse de nous présenter. La rencontre des poussins est toujours un moment magique et nous admirons la manière dont la femelle, les protège et les tactiques employées par les poussins pour "disparaitre" dans le décor!