mercredi 19 mars 2014

Donnant donnant


"Donnez et vous recevrez", voilà un principe bien connu des boxeurs, mais il ne s'applique pas qu'à eux. Heureusement.


Les ornithologues qui passent du temps en nature ont quelques fois la chance d'observer des comportements animaux assez intéressants. Comportements dictés par une loi aussi immuable que celle de la gravité sévissant sur notre belle planète bleue, celle qui commande que chaque action provoque une réaction.

C'est ce constat que nous avons vérifié, Anne et à moi, lors de notre dernier voyage près de Huatulco, sur la côte Pacifique du Mexique. Plus précisément à Pluma Hidalgo, à une heure et trente minutes de route au nord de Huatulco. Cet endroit est renommé pour le café et le chocolat qu'on y produit. Ce site est très fréquenté par les touristes qui y débarquent par dizaines. Situé à 1300 mètres d'altitude, il offre l'occasion pour les ornithologues d'ajouter des espèces rencontrées en forêt tropicale humide par opposition à la forêt tropicale sèche qui prévaut dans les basses terres du versant Pacifique. "Pluma" se traduit par "plume" et cette image réfère aux nuages qui s'accumulent au sommet des plus hauts pics et qui ressemblent à des plumes duveteuses. "Hidalgo" et le nom d'un prêtre qui a beaucoup fait pour que les mexicains gardent leur indépendance. Ce nom se retrouve d'ailleurs souvent dans des noms de villages ou de sites.

En ce beau matin du 18 février 2014, nous nous y rendons accompagnés par Eric Antonio Martinez, un guide ornitho local vivant à Oaxaca, et un couple en provenance du Chili, Magdalena et Willie. Avant d'arriver près de Pluma Hidalgo, nous bifurquons à gauche sur une vieille route. Cette ancienne route continue encore à être empruntée aujourd'hui puisqu'elle mène à divers petits villages en montagne. Elle est intrigante en ce sens qu'on a l'impression quelques fois de pénétrer dans une cour privée tellement c'est étroit et que les maisons sont collées sur la route. Quelle bonne idée nous avons eu de louer les services d'Eric pour quelques jours.

Aux environs de 7h45, nous observons un petit rapace perché sur une grosse branche d'un arbre mort. Nous stationnons l'auto à un endroit sécuritaire et nous observons la scène avec beaucoup d'intérêt. D'abord, l'identification est facile, il s'agit d'un Faucon des chauve-souris / Falco rufigularis petoensis / Bat Falcon. Cette espèce est régulièrement rencontrée en zone tropicale et elle est facile à repérer grâce à son habitude de se percher bien en évidence. Les mâle et femelle arborant le même manteau, la taille permet de déterminer le sexe. Comme l'individu est seul pour l'instant, nous ne nous préoccupons pas de cette précision.

Alors que nous nous attardons à cet endroit, voilà qu'un deuxième oiseau arrive en vol transportant dans ses serres un mâle de Paruline à gorge noire / Setophaga virens / Black-throated Green Warbler. C'est un mâle et il remet rapidement sa proie à sa femelle. Je n'ai malheureusement que le temps de prendre cette photo juste après le transfert.




Le couple reste de longues minutes à vocaliser et la femelle s'éloigne à moins d'un mètre pour commencer à déplumer sa proie.



 

Le mâle part en vol, mais il revient se percher un peu plus bas. Les deux partenaires sont toujours dans le même arbre. Ça prend bien une vingtaine de minutes avant que la femelle ne finisse d'ingurgiter la paruline.

Il se passe alors une chose à laquelle personne du groupe ne s'attendait. Voilà que la femelle émet quelques sons et le mâle vient se percher dessus pour copuler.




La différence de taille est alors encore plus apparente. Le mâle bat des ailes afin de garder un équilibre précaire. Les deux cloaques fusionnent quelques fois et pendant quelques secondes. Le mâle quitte et la femelle garde un instant une posture plutôt suggestive... pour un autre faucon.





Les échanges de nourriture entre les partenaires d'un même couple sont souvent observés chez les oiseaux et ils sont presque toujours associés à la reproduction. En apportant une proie à sa promise, ce faucon mâle lui a montré ses habilités de chasseur et lui a indiqué qu'il pourra subvenir aux besoins d'une prochaine nichée. La femelle ne demandait pas mieux.

Comme chaque sortie en nature nous apprend des choses, je suis bien content d'avoir pu assister à une telle scène. J'ai souvent observé ce faucon en chasse alors qu'ils poursuivaient des chauve-souris, mais c'est la première fois que je pouvais voir un passereau dans ses serres.


À bientôt.




2 commentaires:

Noushka a dit…

Vraiment GENIAL!!!

Hello Laval!
Ca m'a fait bien plaisir de te lire!
Je vois que tu es toujours par monts et par vaux et tu rapportes des images exceptionnelles qui ont dû te procurer pas mal d'adrénaline!

Ils sont superbes ces faucons, un grand bravo pour ces photos!
Bonne continuation!

Ps: David Gascogne vient en France en juillet, nous projetons de nous rencontrer tous les 4!

lejardindelucie a dit…

Quelle belle observation et si bien mise en récit.
On a connaissance de ces comportements par des récits mais rarement par des images.
Ce faucon est un magnifique oiseau!
Merci de nous faire vivre ces scènes!