mercredi 28 décembre 2011

Un Urubu noir au Québec

Deux espèces d'urubus se rencontrent en Amérique du Nord: l'Urubu à tête rouge/ Turkey Vulture (Cathartes aura) et l'Urubu noir / Black Vulture (Coragyps atratus). Cependant, moins de cinquante mentions d'observation de l'Urubu noir ont été rapportées au Québec depuis la fin des années 1970.

Voici un tableau des observations cumulées par Daniel Lepage sur l'excellent site Avibase:


No

Localité

Dates

Référence
1.Beauport28/10/1897
Godfrey (1986)
2.Nicolet12/11/1931SPHNC 1938:159, spéc. Sherbrooke
3.Beauport20/03/1932
spéc. La Pocatière, Godfrey (1986)
4.Gaspé26/06/1978AB 32:1140-1141, BO 23:84
5.Cap Bon-Ami02/08/1984AB 43:69
6.Brossard13/05/1985
AB 39:274
7.Forillon20/05/1988Guillemot 8:58
8.Saint-Majorique (Gaspé)10-14/10/1988Guillemot 8(4):7; spéc. NMC
9.Senneville (Sainte-Anne-de-Bellevue)
11/09/1990
QO 2(4):28
10.Saint-Fabien-de-Rimouski
03/06/1991
QO 3(3):24
11.Sainte-Monique (lac Saint-J)17-18/12/1991QO 4(1):23 (ph.);Savard+Cormier 95
12.Percé02/08/1992Guillemot 13(1):17
13.Bromont20/09/1992QO 4(4):24; Newsl. 35(3):10
14.Rougemont26/09/1992Newsl. 35(3):10
15.Wemindji (baie James)20/08/1993QO 5(4):23
16.Trois-Pistoles30/08/1993QO 5(4):23
17.zec Bas-Saint-Laurent20/10/1994QO 6(4):24
18.Rivière-Malbaie29/07/1995QO 7(3):26
19.L’Anse-à-Beaufils18/06/1996QO 8(3):29
20.Rivière-Madeleine20/05/1997QO 9(2):30
21.Saint-André-de-Kamouraska23/07/1998QO 10(3):31
22.New Richmond09/1998-13/01/1999QO 10(4):29;QO 11(1):30
23.Saint-Fabien18/07/1999QO 11(3):37
24.Matapédia16-18/08/1999QO 11(4):36
24.Cabano20/07/1999QO 11(3):37
25.Grande-Rivière01/07/2000Ornitho-Qc
mention non-confirmée
26.Wakefield25/03/2001QO 13(2):44
27.Hunter's Point17/05/2001QO 13(2): 44
mention incertaine
28.Saint-Jérôme-de-Matane07/05/2002QO 14(2):43
29.Ville-Marie5-7/10/2002QO 14(4):45
30.Restigouche11/05/2003QO 15(2):37
30.Grande-Rivière24/06-3/07/2003ornitho-qc
2 ind.;
31.Gascons30/08/2003QO 15(4):45
32.Gaspé16/09-12/10/2003QO 15(4):45
33.Cap-d'Espoir16/09/2003QO 15(4):45
34.Grande-Rivière18/09/2003QO 15(4):45
35.Saint-Thècle06/07/2004QO 16(3):44
36.Saint-Bernard-de-Lacolle18/04/2005QO 17(2):44
37.La Pocatière30/04/2005QO 17(2):44
38.Cap-des-Rosiers26/09/2006QO 18(4):45
39.Gaspé26-27/11/2008QO 20(4):48
40.Rivière-au-Renard29/05-2/06/2009QO 21(2):49
41.Baie-Saint-Paul22/08/2009QO 21(4):48
42.Cap-Tourmente14/10/2009web
43.Sainte-Anne-de-Bellevue18/10/2009QO 21(4):48
44.Rivière au Renard + Gaspé02/12/2009QO 22(1):48
45.Bonaventure22/01/2010QO 22(1):48
photo publiée
46.LG4, Baie-James26/05-3/06/2010QO 22(2):47
photo publiée
46.Saint-Stanislas-de-Kostka20/03/2010QO 22(2):47
47.Saint-Raphaël de Bellechasse22/06/2010web
48.Saint-Godefroi5/09/2010QO 22(4):49
49.Saint-Louis-du-Ha! Ha!10-11/12/2011web

50.La Pocatière24/12/2011web

La situation est très différente du côté de l'Urubu à tête rouge dont la nidification a même été confirmée à différents endroits dans la province. L'Atlas des oiseaux nicheurs permet d'ailleurs d'obtenir une bonne image de l'aire de distribution de l'espèce à travers la province de Québec. L'observation de l'Urubu noir est toujours un évènement très couru par les ornithologues Québécois. Après l'expérience vécue avec l'Urubu à tête rouge, il est possible de songer que son cousin pourrait un jour venir envahir nos cieux de la même façon.


Un Urubu noir / Black Vulture sur une carcasse dans un champ à Lapocatière. 26 décembre 2011.


Les deux se nourrissent sur les carcasses d'animaux morts et même si ces dernières sont faisandées, nos volatiles ne peuvent résister à l'envie de les déguster. Ce n'est pas seulement une question de goût, ce serait plutôt que les tissus sont de plus en plus faciles à transpercer et à défaire à mesure que la putréfaction s'intensifie. Leur système immunitaire leur offre une grande résistance aux microbes et aux toxines présents dans la viande en putréfaction. Si les talons et les griffes de l'urubu n'ont rien à voir avec ceux des falconidés et des accipitridés, il est très bien équipé en bec. Il est long et fort, muni d'un crochet servant à déchirer les peaux épaisses et à tirer avec force pour obtenir une ouverture suffisamment grande dans la carcasse pour y introduire ultimement la tête. De là l'importance pour l'urubu d'être chauve i.e. d'être dépourvu de poils ou de plumes sur la tête et même sur le cou. Ces parties de son corps, une fois souillées, seraient très difficiles, voire impossibles à nettoyer adéquatement s'il fallait que des poils ou des plumes les recouvrent. De plus, la tête chauve pourrait être une adaptation aidant l'oiseau à réguler la température de son corps.

Même si les urubus du Nouveau Monde ressemblent aux vautours de l'Ancien Monde, des études ont démontré qu'ils s'apparentent plus aux cigognes et aux tantales. Nos deux urubus ont des longues pattes, des doigts adaptés à la marche et munis de griffes plutôt faibles. Les urubus ont même un vestige de palme entre les doigts. Les pattes et les pieds sont habituellement blanchâtres à cause des fientes que les urubus (comme les cigognes et les tantales) projettent volontairement sur cette partie de leur corps. Le liquide, en entrant en contact avec les pattes chaudes de l'oiseau, s'évapore et agit un peu comme la sueur le fait pour l'être humain. L'évaporation apporte une fraîcheur qui contribue à réguler la température du corps.

Les deux urubus nord-américains ont deux comportements différents lorsqu'ils sont à la recherche de nourriture. L'Urubu à tête rouge utilise grandement son odorat pour trouver la sienne. C'est pour cette raison qu'il vole plus bas que l'Urubu noir. Parfois juste au-dessus des arbres lorsqu'il maraude dans les grandes régions boisées. L'Urubu noir repère sa nourriture surtout par la vue et, pour cette raison, il tournoie beaucoup plus haut en altitude que l'Urubu à tête rouge. D'ailleurs, il est fréquent d'observer des Urubus noirs suivre les déplacements des Urubus à tête rouge afin de partager leurs trouvailles. Autour d'une carcasse, l'Urubu noir peut s'imposer sur l'Urubu à tête rouge.


Un beau cadeau de Noël


Nous sommes le 26 décembre 2011,  aux alentours de 08h30, lorsque Anne et moi arrivons dans le Rang 3 à La Pocatière. Un Urubu noir y est observé depuis une couple de jours. En fait, nous nous sommes présentés au même endroit la veille de Noël, mais la température était exécrable avec un vent fort et une neige faible, mais persistante. Nous avons quitté vers les 10h30 et l'oiseau ne s'est présenté finalement que vers les 14h00, en même temps qu'une amélioration de la température. Comme les prévisions météorologiques sont meilleures le 26, nous décidons de tenter à nouveau notre chance.

Yvon Hamel et Bernard Desmeules sont déjà sur le site, en train d'observer l'urubu occupé à se nourrir sur une carcasse dans le champs situé juste en face de la maison de Bernard. C'est d'ailleurs celui-ci qui a alerté la colonie ornithologique de la présence inusitée de l'urubu. Il aura permis à beaucoup d'ornithologues Québécois d'ajouter cette espèce sur leur liste provinciale.


Cette vue de l'oiseau nous permet d'observer son oeil gauche amoché. Difficile de dire s'il voit encore quelque chose de ce côté. 26 décembre 2011 à La Pocatière.



Il est facile de distinguer l'Urubu noir de l'Urubu à tête rouge lorsqu'en vol. Les rachis blanches des primaires de l'Urubu noir sont très visibles et, lorsqu'on observe le même oiseau par en dessous, c'est toute la région des primaires qui est pâle. La queue très courte de l'Urubu noir contraste également avec celle plus longue de l'Urubu à tête rouge. 26 décembre 2011 à La Pocatière.


L'Urubu noir près d'une carcasse. Il possède un bec fort muni d'un crochet à son extrémité. Outil idéal pour transpercer la peau coriace de certaines victimes. 26 décembre 2011 à Lapocatière.


Et oui, il n'y a pas meilleure façon pour un ornithologue de fêter Noël qu'en ajoutant une espèce sur sa liste provinciale. Ça fait longtemps que je désirais observer l'Urubu noir au Québec et lors des autres mentions de sa présence, je n'avais pas été en mesure de me déplacer pour tenter ma chance. En fait, c'était mon troisième essai pour cette espèce puisque je m'étais rendu, sans succès, à Saint-Louis-du-Ha!-Ha! la semaine précédente. Comme quoi, la ténacité finit toujours par payer.



Merci encore à Bernard Desmeules pour le partage et Joyeuses Fêtes à tous.



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